Il est sans doute peu académique de parler d’organisation « floue ». Nous entendons par là désigner le fonctionnement d’une équipe où les périmètres d’action sont flous, où les décisions tardent à être prises, où le chef préfère laisser « pourrir » certaines situations.
Le flou organisationnel peut résulter de plusieurs facteurs : l’indécision d’un manager, l’incapacité pour de multiples raisons de définir les périmètres et de délimiter les rôles et responsabilités, ou encore le but inavoué de diviser pour mieux régner en entretenant l’imprécision afin que les collaborateurs finissent par intriguer pour capter le maximum de ressources et ainsi augmenter leur influence et leur pouvoir.
Ce type d’organisations se caractérise par le jeu obsessionnel des collaborateurs à créer des coalitions pour influencer et gagner du pouvoir.
Il serait naïf de penser que ce phénomène n’est propre qu’aux équipes et aux organisations que nous avons qualifiées de « floues » mais le trait est ici particulièrement exacerbé. Il s’agit de constituer des réseaux afin d’influencer l’organisation dans le sens que l’on souhaite. On qualifiera ainsi le contexte de « politique », au sens où les décisions ne semblent pas toujours découler d’une logique rationnelle, objective et basée sur des faits observables, mais davantage sur des arrangements entre complices.
Les employés sont moins reconnus pour leurs compétences professionnelles que pour leur habileté à manœuvrer, c’est-à-dire leur capacité à rejoindre les meilleurs réseaux, à louvoyer pour obtenir les missions les plus intéressantes. Les décisions d’affectation des projets se feront par exemple moins sur des critères factuels mais sur les conséquences de relations et de pactes négociés qu’ils auront réussi à nouer avec leurs pairs et avec leur management.
Un temps considérable est donc passé à intriguer plutôt qu’à travailler, c’est-à-dire à produire pour le bien de l’entreprise.
Dans ce type d’organisation, la part de la subjectivité prend une place considérable, gommant la réalité des faits et la réalité des compétences. Malheureusement, les employés deviennent cyniques, n’hésitent plus à se faire des coups tordus, à propager la rumeur, à médire, puisque tout devient image plutôt que réalité, avec le sentiment que les décisions sont prises à la tête du client. Sans l’afficher clairement, ils en arrivent à adopter des postures prédatrices pour devenir incontournables sur des projets ou des sujets pourtant très importants pour l’entreprise.
Le risque associé est donc celui de la confusion et de l’ambiguïté qui conduit systématiquement à l’émergence d’une culture très hypocrite, voire mensongère. C’est l’une des pires cultures d’entreprise qui soit. Les organisations floues génèrent ainsi une série de comportements qui détruisent la confiance dans l’équipe et empêchent que se développe la Bienveillance entre les membres d’un collectif.